Wednesday, October 23, 2013

La belle Cité

Le vendredi 4 octobre, j'ai pris le train en direction d'Ottawa, l'une de mes villes canadiennes préférées, afin de rencontrer le personnel scolaire de La Cité collégiale, le plus grand collège francophone de l'Ontario.  Après avoir déjeuné avec Benoit Dupuis, le président de la section locale 470 du SEFPO, j'ai rencontré les dirigeants et délégués syndicaux de la section locale. 

Benoit Dupuis
 
La Cité, qui a été créée en 1990, est relativement récente dans le système collégial de l'Ontario.  C'est un établissement de taille moyenne, qui compte quelque 5 000 étudiants à temps plein et 300 membres du personnel scolaire à temps plein.  La proportion de personnel scolaire à temps plein et à temps partiel est de 50-50, un peu au-dessous de la moyenne du système collégial, avec une tendance défavorable qui s'amplifie.

La Cité connait des bouleversements importants depuis l'arrivée du nouveau président du collège en 2010.  Depuis ce changement et l’instauration d’un style de gestion de plus en plus corporatif, les relations de travail sont chamboulées.  Pierre St.-Gelais, agent des griefs en chef, a souligné qu'entre avril 2011 et septembre 2013, le syndicat a déposé six fois plus de griefs qu'il en avait déposés au cours des quinze dernières années.

Pierre St.-Gelais
 
Un autre problème auquel sont confrontés les professeurs de La Cité concerne l'augmentation de l'effectif des classes.  Dans le passé, l'administration du collège fixait un plafond du nombre d'étudiants par classe à ne pas dépasser afin de préserver la « qualité de l'éducation ».  En supprimant les plafonds, on a négligé le fait que l'effectif des classes a une incidence sur la qualité de l'éducation.

Depuis que La Cité a changé ces priorités, délaissant la qualité de l'éducation au profit d'un modèle corporatif, les indicateurs de rendement de La Cité sont en hausse.  Les indicateurs de rendement sont les résultats des sondages sur la satisfaction des étudiants qui sont effectués à travers un système collégial où la concurrence pour attirer les étudiants est de plus en plus rude.

La priorité qui est accordée aux indicateurs de rendement reflète que l'éducation des collèges est fondée sur le service à la clientèle – c'est-à-dire qu'attirer des étudiants et les garder à tout prix dans le système est devenu plus important que d'instaurer un  apprentissage basé sur une formation rigoureuse et des normes académiques d'excellence.  Les bons scores aux indicateurs de rendement et la hausse des inscriptions se traduisent peut-être par de généreux bonus pour les membres de la direction, mais les dirigeants de la section locale 470 soulignent que les employeurs, qui font partie des comités des relations avec l’industrie, ont exprimé des préoccupations.  Le fait que les diplômés des collèges soient moins bien préparés pour entrer sur le marché du travail ne serait-il pas les conséquences de l'augmentation de l'effectif des classes, de la baisse du nombre de professeurs à temps plein et de la diminution des cours magistraux?

Monday, October 21, 2013

Une visite au Collège Humber

Le jeudi 3 octobre, je me suis rendu au Collège Humber, un autre grand établissement de Toronto qui compte plus de 27 000 étudiants à temps plein.  La valeureuse équipe de la  section locale 562, qui représente le personnel scolaire du Collège Humber, est présidée par Orville Getz.

Comme de nombreux collèges que j'ai visités jusqu'à ce jour, le campus nord du Collège Humber est au milieu d'importants travaux de rénovation.  De nouveaux bâtiments sont en construction dans tout le système collégial – des travaux plus que nécessaires pour faire les transformations attendues et accueillir toujours plus d'étudiants.  Moderniser les installations est sans conteste une bonne chose, mais a-t-on fait les mêmes efforts dans la salle de classe?

Travaux d'agrandissement du campus nord du Collège Humber
Malheureusement non puisque le personnel scolaire du Collège Humber a plutôt vu l'effectif des classes monter en flèche pour passer d'une moyenne de 40-45 étudiants à 75-100 étudiants par classe.  Dans le même temps, le collège a imposé un plafond strict au recrutement de nouveaux employés à temps plein.  Au moment de notre réunion, la section locale 562 comptait 595 employés à temps plein, 600 à charge partielle et un nombre équivalent d'employés à temps partiel.  À l'instar de la situation dans l'ensemble du système collégial, plus des deux tiers de la formation dispensée au Collège Humber est enseignée par des professeurs qui ne travaillent pas à temps plein.

Un autre défi important auquel sont confrontés les membres de la section locale 562 concerne le contrôle croissant de la direction sur les décisions académiques.  En fonction des matières, les membres de la direction développent de nouveaux cursus et cours, rédigent des plans de cours et décident des évaluations.  Tout cela a lieu sans la participation importante du personnel scolaire du collège – les experts de l'éducation.

Les dirigeants de la section locale 562

La direction encourage quotidiennement les membres du personnel scolaire à utiliser des méthodes d'évaluation qui demandent moins de temps, comme des petits tests en classe (où les étudiants sont notés pour une tâche à accomplir) ou des tests à choix multiple.  Elle exerce des pressions de plus en plus fortes pour qu’on supprime les méthodes d'évaluation rigoureuses et académiques, qui demandent beaucoup de temps, comme les dissertations et les projets.

Pour le personnel scolaire du Collège Humber, la liberté académique n'est pas qu'un terme abstrait.  C'est la capacité du personnel scolaire des collèges à contrôler les conditions de travail dans la salle de classe et à maintenir les normes académiques qui permettent d'assurer la réussite des étudiants ...

Thursday, October 17, 2013

Au cœur de la ville : le Collège George Brown


Le 2 octobre, je me suis rendu au Collège George Brown, au centre-ville de Toronto, pour rencontrer les membres de la section locale556 du SEFPO.  Le président de la section locale, Tom Tomassi, et la délégué en chef, J.P. Hornick, présidaient une Assemblée générale des membres (AGM), durant laquelle les membres du personnel scolaire ont fait plusieurs observations pertinentes.

Le président Tomassi déclare la séance ouverte
Le président Tomassi, qui enseigne dans le système collégial depuis plus de 20 ans, a connu d'énormes changements. Il a souligné le fait que le Collège George Brown avait au début quelque 7 000 étudiants et 700 membres du personnel scolaire à temps plein. Aujourd'hui, il y a plus de 25 000 étudiants et quelque 520 membres du personnel scolaire à temps plein.  À l'instar de leurs collègues d'autres sections locales, les membres de la section locale 556 sont confrontés à des difficultés pour enseigner à davantage d'étudiants alors que le personnel scolaire à temps plein est en constante diminution. Les dirigeants de la section locale 556 ont fait remarquer que depuis que le nombre d'employés à temps partiel a grimpé en flèche et que la direction a refusé de remplacer les départs à la retraite des employés à temps plein, un « climat de peur » gagne le personnel scolaire.  Les mises à pied massives des années 1990 et un système de gestion toujours plus hostile contribuent à instaurer un climat d'inquiétude chez le personnel scolaire concernant la sécurité d'emploi.

Des membres du personnel scolaire discutent de leurs problèmes durant l'AGM
Alors qu'ils ont vu le nombre de membres à temps plein temps diminuer, les membres les plus anciens du comité exécutif local ont également vu l'équipe de direction du Collège George Brown plus que doubler de taille. Au lieu d'investir de l'argent dans la salle de classe, on consacre de plus en plus d'argent à la publicité et aux salaires des membres de la direction.  En fin de compte, ces tendances traduisent une évolution inquiétante des priorités au sein de tout le système collégial. 

Lors de ma prochaine visite, je me rendrai dans un autre grand collège de la région métropolitaine de Toronto – le Collège Humber –  afin de parler des difficultés auxquelles est confronté le personnel scolaire pour contrôler le contenu des cours et les évaluations ...

Tuesday, October 8, 2013

Une soirée au Collège Niagara

Mardi 1er octobre, j'ai assisté à une assemblée générale des membres (AGM) au campus de Welland du Collège Niagara.  Comme de nombreux collèges, le campus central du Collège Niagara a été reconstruit récemment et semble avoir des installations à la fine pointe de la technologie.  Notre AGM a eu lieu dans la salle de réunion au deuxième étage d’où l’on a une vue extraordinaire sur l'immense espace vert du campus.  La salle de réunion était aussi située près du centre des sciences de la santé qui abrite le très populaire programme conjoint de sciences infirmières du Collège Niagara.

Avant l'AGM, j'ai eu la chance de discuter avec les dirigeants de la section locale 242.  La présidente Sherri Rosen et la déléguée syndicale en chef Irene Sebastianelli n'étaient pas disponibles, mais le vice-président Martin Devitt, l'agente des communications Debra Grobb, la trésorière Bonnie Martel et les délégués syndicaux Mary Spehar, Shannon MacRae et Greg Smith étaient présents pour me parler des difficultés d'enseignement au Collège Niagara.

Martin et Marie dans le bureau de la section locale 242
L'un des premiers sujets de discussion a concerné la manière dont les superviseurs du Collège Niagara ont assigné un nombre croissant de formulaires de charge de travail (FCT) illégaux qui dépassent les limites prévues comme un maximum de 47 heures de travail hebdomadaire, un maximum de 44 heures de travail hebdomadaire pour les employés en période d'essai ou une journée d'enseignement qui ne doit pas excéder 12 heures.  À cette liste, il faut ajouter les classes surchargées qui sont devenues monnaie courante.  D'après la section locale 242, ces violations sont le résultat des importantes coupures budgétaires qui ont entrainé un accroissement de la charge de travail pour chaque employé et des effectifs surchargés dans toutes les classes.  La direction espère que le nombre démesuré d'étudiants inscrits baissera avant le début des classes, mais ce n'est pas toujours le cas.

 
Debra, Greg et Bonnie en pleine discussion.
Les superviseurs exercent également des pressions sur les professeurs pour qu'ils effectuent des tâches bénévoles en dehors de leur charge normale de travail.  En demandant de participer à des journées portes ouvertes au collège, à des événements communautaires ou à des travaux de comité, les superviseurs se servent de ces obligations supplémentaires pour contrôler le personnel scolaire, récompenser les employés coopérants et punir les récalcitrants qui refusent de faire du travail bénévole (et qui sont en général catalogués comme « manquant d'esprit d'équipe »).  Pour les employés à charge partielle et à temps partiel, la pression d'accepter du travail supplémentaire est bien plus forte.  Sans aucune sécurité d'emploi, ces membres estiment qu'ils ne sont pas en position de refuser les demandes des superviseurs.

Un autre problème concerne les superviseurs qui usurpent le pouvoir du personnel scolaire concernant les décisions académiques.  Des superviseurs, qui ne possèdent pas l'expertise nécessaire, élaborent des cours, décident des modes d'évaluation et choisissent les manuels.  On assiste à l'instauration d'un système de microgestion excessif qui désavoue l'expertise professionnelle du personnel scolaire.  Dans un cas, un superviseur de programme a fixé une règle aux professeurs afin qu'ils permettent aux étudiants de réécrire autant de fois que nécessaire les devoirs et les évaluations.   Avec ce type de directives, comment les membres du personnel scolaire peuvent-ils créer un milieu d'apprentissage équitable pour tous les étudiants et conforme aux normes pédagogiques et professionnelles?

Ce problème ne sera pas résolu tant que le personnel scolaire n'aura pas les moyens de définir les normes pédagogiques et de faire contrepoids aux priorités des collèges qui sont actuellement de réduire les coûts et de maximiser les profits.


 
À la prochaine fois,

Kevin

Monday, October 7, 2013

Premier arrêt : Collège Centennial


Hier après-midi, j'ai eu le plaisir de rencontrer les intrépides membres de la section locale 558 du Collège Centennial.   Centennial possède cinq campus dans la région du Grand Toronto et j'avais rendez-vous au campus Ashtonbee, non loin d'Eglinton.  Le bâtiment 930 du campus Ashtonbee abrite le Programme des techniques des véhicules automobiles et notre réunion a eu lieu dans une salle de classe à proximité de l'atelier principal.


 L'impressionnant atelier du Programme des techniques des véhicules automobiles.

Jacques O'Sullivan, président de la section locale, qui était venu à ma rencontre dans le couloir avant que je ne me perde, m'a présenté aux dirigeants de la section locale : le vice-président RM Kennedy, le 2e vice-président Derrick Thomson, la déléguée en chef Patricia Steger et la secrétaire Julee Joseph.



Jacques et RM préparent la salle de réunion

Les dirigeants de la section locale, qui tenaient leur première réunion du Comité Exécutif local (CEL) de l'année à 17 heures, se préparaient à accueillir plusieurs nouveaux délégués syndicaux au comité.  De 16 à 17 heures, j'ai discuté avec les dirigeants de la section locale des problèmes que rencontrent leurs membres.  Un enjeu important, mentionné par les dirigeants et les délégués syndicaux de divers secteurs, a porté sur l'augmentation progressive du nombre d’employés à temps partiel.  Au Collège Centennial, plusieurs programmes sont enseignés sans qu'il y ait un employé à temps plein, une situation qui nuit à la cohérence et à l'uniformité des programmes. 

Le manque de personnel scolaire à temps plein a également d'autres conséquences.  En raison des compressions budgétaires, on n’a pas embauché d’employés à charge partielle dans certains programmes du commerce et d'ingénierie, mais plutôt fait appel à un grand nombre d'employés à temps partiel et engagés pour une période limitée.  Les employés à charge partielle, qui enseignent entre 7 et 12 heures par semaine, reçoivent un taux horaire de salaire convenable, sont syndiqués et bénéficient des avantages sociaux.  En revanche, les employés à temps partiel, qui enseignent 6 heures par semaine ou moins, sont rémunérés à un taux inférieur que celui des employés à charge partielle et ne sont pas syndiqués.  Les employés engagés pour une période limitée enseignent plus de 15 heures par semaine et reçoivent un taux de rémunération journalier – un taux qui est également beaucoup plus faible que celui des employés à charge partielle. Les employés engagés pour une période limitée ne sont pas membres du syndicat.  En tant que travailleurs non syndiqués, les employés à temps partiel, ainsi que ceux engagés pour une période limitée n'ont pas droit aux avantages sociaux et n'ont aucune sécurité d'emploi. 

Un délégué syndical du programme d'ingénierie a parlé de l'impact négatif qu'entraîne la politique du « pas de poste à charge partielle » sur l'enseignement des programmes.  On abuse des employés engagés pour une période limitée – certains professeurs enseignent jusqu’à 20 heures par semaine, trois cours différents sur plusieurs campus.  C'est une charge de travail incroyablement lourde pour un employé qui n'est pas payé pour la préparation, le développement, l'évaluation ou le temps de déplacement.  En outre, le nombre croissant d'employés à temps partiel et engagés pour une période limitée exerce une forte pression sur le petit nombre d'enseignants à temps plein, qui doivent souvent procurer un soutien considérable à leurs collègues qui ne sont pas à temps plein.  Un délégué syndical a souligné le fait que les employés à temps partiel et engagés pour une période limitée ne peuvent pas se plaindre d'être surchargés de travail et d'avoir un manque de ressources parce qu'ils n'ont pas de sécurité d'emploi.  Quand ils sont victimes d'intimidation et de harcèlement de la part d'étudiants ou de la direction, ils sont réticents à le signaler.


RM et Patricia décrivent les conditions de travail

Un autre problème auquel les professeurs de Centennial doivent faire face concerne l'augmentation constante de l'effectif des classes.  Cette tendance est particulièrement inquiétante durant les travaux pratiques où les élèves apprennent des aptitudes complexes et nécessitent une surveillance étroite de la part du personnel scolaire qui veille également à la santé et à la sécurité.  Les ateliers de l'automobile ont été agrandis, ainsi que le laboratoire des techniciens en pharmacie et que certains laboratoires d'informatique qui sont tellement vastes, qu'il y est devenu, selon l'opinion d'un délégué syndical, impossible d'y faire des travaux pratiques.  Dans les super-laboratoires d'informatique, les étudiants doivent attendre entre 30 et 40 minutes pour qu’on réponde à leur question, et les membres du personnel ont décidé de s'entraider mutuellement dans les laboratoires afin de tenir le coup.  Il y a simplement trop de travail pour qu'un employé du personnel scolaire puisse le faire tout seul.


Le CEL se met au travail


Malgré les défis concernant la dotation en personnel et l'effectif des classes auxquels doivent faire face les membres de la section locale 558, le président O'Sullivan et son équipe restent déterminés à soutenir leurs membres et à lutter pour maintenir les normes académiques.  La section locale a noué des liens étroits avec ses membres, créé de nouveaux postes de délégué syndical, organisé des réunions aux différents campus et embauché un ancien agent des griefs en chef pour travailler dans son bureau en tant que délégué de liaison.  Le bulletin d'information de la section locale, Unfettered, est en outre un fabuleux outil pour informer et mobiliser les membres. 

À l’instar d'autres sections locales, la 558 a toute une lutte à mener.  Même si c'est frustrant d'entendre les difficultés auxquelles les membres sont confrontés, il est malgré tout encourageant de voir les initiatives qu'ils ont su prendre pour faire face aux insuffisances budgétaires et à la baisse constante du personnel scolaire à temps plein.  Tout irait quand même mieux s'ils n'avaient pas besoin de dépenser tant d'énergie pour compenser le manque chronique de financement qui touche l'enseignement postsecondaire!

Demain, je rencontrerai les membres de la section locale 673 du Collège Boréal, à Sudbury.  Ce sera mon premier voyage dans un collège du Nord, et j'ai hâte de les rencontrer!

À très bientôt,

Kevin

Friday, October 4, 2013

C'est parti!


Bienvenue sur le blogue de la Campagne pour une éducation de qualité!  Au cours des prochains mois, je me rendrai dans les 24 collèges communautaires de l'Ontario et rencontrerai des professeurs, des conseillers, des bibliothécaires et des étudiants afin de discuter des questions d'éducation qui les préoccupent.

La campagne est organisée par le Syndicat des employés de la fonction publique de l'Ontario (SEFPO) et la Division du personnel scolaire des CAAT en particulier. La Division comprend les professeurs, les conseillers et les bibliothécaires des collèges de l'Ontario - c'est-à-dire celles et ceux qui travaillent au contact des étudiants – les employés de première ligne du système d'éducation postsecondaire.

L'objectif de cette campagne est de recueillir les témoignages et de mettre en lumière les défis auxquels sont confrontés nos membres dans un système qui manque de ressources financières, qui pâtit d’une direction de plus en plus autocratique et corporative et où le travail à temps plein ne cesse de diminuer. Au cours des prochaines négociations contractuelles, nous espérons inverser ces tendances : faire en sorte que les professeurs, conseillers et bibliothécaires auront la capacité de protéger les normes académiques, obtenir que l'on recrutera assez de personnel à temps plein pour offrir une éducation de qualité, et créer un environnement de travail plus collégial qui respectera la liberté académique.

Durant les prochaines semaines, je publierai des comptes rendus de mes visites dans les collèges afin de relater les diverses expériences locales, ainsi que les problèmes graves qui touchent l'éducation postsecondaire de nos jours. Pensez à consulter le blogue aussi souvent que possible, car je le mettrai à jour fréquemment!

 

Publié par Kevin MacKay

 

Vers le nord! En visite au Collège Boréal de Sudbury (Ontario)



L'après-midi du jeudi 26 septembre, j'ai eu le plaisir de rencontrer les membres de la section locale 673 du SEFPO, au Collège Boréal.  Situé près de Sudbury, le Collège Boréal est entouré par les majestueux paysages du Nord de l'Ontario. Il y a plusieurs années que je n'avais pas été au nord de Barrie, et durant le trajet, j'ai été émerveillé par les somptueux rochers du bouclier canadien, les bouleaux et les couleurs flamboyantes du début de l'automne. Grâce à ces somptueux paysages, je n'ai (presque) pas vu passer les quatre heures et demie de route.

Le campus du Collège Boréal a été construit récemment, à la fin des années 1990, et le bâtiment principal, moderne et bien entretenu, s'intègre parfaitement au cadre naturel. Selon le secrétaire de la section locale 673, Karl Aubry, l'environnement naturel fait partie non seulement du cadre, mais aussi de la vie quotidienne du campus. Il m'a raconté des histoires d'ours qui sont si dociles et tranquilles que les étudiants et les professeurs ne font plus guère attention quand un plantigrade se balade aux alentours du campus.

Collège Boréal - Pouvez-vous voir l'ours?
 
J'ai rencontré l'équipe de Boréal à l'occasion de la réunion du Comité exécutif local (CEL) à 12 h 30 : le président David Fasciano, la vice-présidente Josée St-Jean, le délégué syndical en chef Jacques Babin, et le secrétaire Karl Aubry. Les délégués syndicaux Hélène Coté et Michael Mainville ont participé à la réunion par téléconférence. Parce qu'ils travaillent dans des campus situés plus au nord, Michael et Hélène seraient obligés de conduire pendant 4 à 6 heures s'ils devaient faire le trajet par la route pour se rendre aux réunions du CEL. L'éloignement constitue d'ailleurs l'un des défis auxquels sont confrontés les collèges du Nord, le Collège Boréal en particulier. Seul collège francophone situé dans le Nord de l’Ontario, le Collège Boréal couvre un immense territoire. Bien que le nombre d'étudiants à temps plein soit relativement faible – quelque 1 000 étudiants au campus de Sudbury et 500 autres répartis dans les six campus satellites et les dizaines de centres d'accès.

David Fasciano, président de la section locale 673
 
 
En raison de la diversité des programmes qui sont enseignés au Collège Boréal, les ressources sont toujours un problème et les professeurs subissent d'énormes pressions dans tout le système collégial pour faire plus avec moins. Les dirigeants de la section locale 673 m'ont expliqué que les petites collectivités sont perdantes parce que les collèges qui desservent les petites communautés francophones sont confrontés à un coût plus élevé par étudiant que les collèges situés dans les grandes collectivités anglophones. Une situation inquiétante puisque le mandat original des collèges est d'assurer l'accès à l'éducation et de répondre aux besoins de formation et d'emploi des communautés qu'ils déservent.
 
À cause d'un modèle de financement inadapté, les collèges francophones et du Nord doivent aujourd'hui surmonter des défis particulièrement importants. En raison des pressions budgétaires, le Collège Boréal a recours de plus en plus souvent à des professeurs à temps partiel pour enseigner ses programmes. David Fasciano, président de la section locale, a indiqué que les professeurs à temps partiel sont désormais deux fois plus nombreux que les professeurs à temps plein. Jacques a ajouté que dans les programmes d'études où il y a de nombreux professeurs à temps partiel, les plaintes des étudiants concernant la qualité de l'éducation sont en hausse. Leurs qualifications ou la motivation des professeurs à temps partiel n’est pas en cause. Le problème est leur roulement élevé qui est le résultat du refus de la direction de procurer des emplois à temps plein, ou encore pire, une meilleure rémunération des enseignants à charge partielle. En perpétuel roulement et manquant  de temps pour élaborer, préparer les cours et faire les évaluations, les professeurs à temps partiel ne peuvent pas procurer la même qualité d'enseignement que les professeurs à temps plein. Au bout du compte, comme l'ont souligné les dirigeants de la section locale, ce sont les étudiants qui payent le prix fort.
 
La vice-présidente Josée St-Jean et le secrétaire Karl Aubry
 
 
Les pressions budgétaires et les mesures de réduction des coûts ont également nuit à la liberté académique et à la capacité des professeurs du Collège Boréal à maintenir la qualité de l'enseignement. Les dirigeants de la section locale ont rapporté les histoires de professeurs à qui l'on a demandé d'utiliser davantage de tests à choix multiples et moins de dissertations afin de réduire leur énorme charge de travail. Ils m’ont également parlé du « dilemme difficile » devant lequel se retrouvent les professeurs à temps plein quand la direction leur demande de donner le matériel de cours qu'ils ont élaboré aux enseignants à temps partiel. En faisant cela, ils ont conscience de jouer le jeu de la direction dans son refus de créer des postes à temps plein. Toutefois, ne pas aider nos collègues à temps partiel irait à l'encontre de l'esprit de corps qui caractérise la grande majorité des professeurs. La liberté académique n'est pas un concept abstrait – c'est la capacité de contrôler nos conditions de travail, le respect de notre propre propriété intellectuelle et un moyen de contraindre l'employeur à recruter des professeurs à temps plein.


En définitive, ma visite au Collège Boréal a été très instructive. En tant que professeur au Collège Mohawk, à Hamilton, j'enseigne dans un environnement très différent. Il y a plus de 12 000 étudiants à plein temps au campus principal du Collège Mohawk, à Hamilton, une ville qui fait quatre fois la taille de Sudbury. Même si les deux collèges présentent certaines similitudes en termes d'augmentation des postes à temps partiel, de coupes budgétaires et du manque de liberté académique, le Collège Boréal est fondamentalement différent du fait de sa situation géographique et du contexte linguistique. Nous vivons au Canada, un pays officiellement bilingue, et notre identité est modelée par les contributions passées et présentes de la population francophone. Notre système collégial doit être solidaire de la communauté francophone, ainsi que de toutes les autres communautés qui forment le Canada d'aujourd'hui. Malheureusement, le modèle corporatif qui est mis de l'avant par le Ministère et la direction des collèges nuit au développement local, au soutien des communautés, et à l'accès à un enseignement postsecondaire de qualité pour tous les Canadiens.


Un grand merci à la section locale 673 pour son hospitalité et une discussion très fructueuse!