Wednesday, December 18, 2013

Le personnel scolaire des collèges en situation précaire : une majorité réduite au silence

Pour cet article, j'ai le plaisir de donner la parole à un collaborateur occasionnel, un ou une professeur des collèges à temps partiel, qui apporte une perspective très importante.  Dans mes prochains articles sur les collèges de l'Ontario, je ferai appel à d'autres collaborateurs occasionnels au cours des mois à venir, afin de présenter plusieurs points de vue sur l'enseignement collégial d'aujourd'hui ...

 
Je suis professeur dans un collège de l'Ontario et j'enseigne dans le système collégial depuis plus de 20 ans. Je détiens un diplôme d'études supérieures et j'ai une bonne expérience professionnelle, mais je suis un travailleur précaire.

Depuis que je suis professeur de collège, je travaille à temps partiel avec un contrat à durée déterminée. J'appartiens à la catégorie des enseignants à charge partielle, ce qui veut dire que j'ai, néanmoins, la chance de faire partie du personnel scolaire syndiqué.  Mais, je n'ai pourtant pas droit à la protection la plus élémentaire : la sécurité d'emploi.

Qu'est-ce que ça veut dire? Mon contrat d'enseignement ne dure que le temps d'un trimestre scolaire. Ainsi, quand je commence à enseigner en septembre, je ne sais jamais si j'aurai encore un emploi en janvier. Quand j'enseigne pendant le trimestre de printemps, je ne sais jamais si j'aurai encore un emploi à la rentrée suivante.

Si je dépose une plainte à propos de mes conditions de travail, d'un harcèlement ou si mon patron, le doyen ou le doyen associé me prend en grippe, je cours le risque de ne pas obtenir un autre contrat de travail – sans aucune explication.

C'est la raison pour laquelle j'écris sous le couvert de l'anonymat. Je n'ai pas voix au chapitre dans mon milieu de travail.

Le plus étonnant est que je fais désormais partie du groupe majoritaire. Soixante-dix pour cent des membres du personnel scolaire de mon collège ont un emploi précaire à durée déterminée – un contrat de travail. Une situation que je partage non seulement avec le personnel scolaire, mais également avec le personnel de soutien des collèges, dont un grand nombre d'entre eux sont également des travailleurs précaires employés à temps partiel.

Le nombre d'étudiants inscrits dans nos collèges augmente sans cesse, 53 pour cent de plus au cours de la dernière décennie, alors que le nombre de membres du personnel scolaire à temps plein bénéficiant de la pleine sécurité d'emploi a diminué de 22 pour cent au cours de la même période. Les collèges recrutent des travailleurs précaires au lieu de créer de bons emplois stables. Pourquoi? Ils nous disent, que durant cette période d'austérité, ils manquent d'argent.

Mon collège a actuellement un excédent de plus de 225 millions de dollars, l'argent n'est donc pas un problème. Par contre, il est clair qu'il  n'y a pas la volonté politique de créer de bons emplois.

Les travailleurs des personnels scolaire et de soutien des collèges de l'Ontario entameront en même temps leur prochaine ronde de négociation avec leur employeur : le Conseil des employeurs des collèges. 

Au cours de la dernière ronde de négociation, mon syndicat a obtenu quelques petites améliorations sur la question de la sécurité d'emploi. Les membres du personnel scolaire à charge partielle ayant travaillé depuis plus de deux ans, qui ne sont pas réembauchés pour enseigner les cours qu'ils ont déjà enseignés par le passé, peuvent s'opposer à la décision par l'entremise d'une procédure de règlement des griefs. Certes un petit pas, mais un pas important.
 
Durant la prochaine ronde de négociation, les employés des personnels scolaire et de soutien des collèges devront être unis pour obtenir de meilleurs emplois et préserver la qualité de l’éducation.

Monday, December 16, 2013

Le Collège Cambrian : Retour vers le Nord!


Le jour de l'Halloween, j'ai repris la direction de Sudbury pour rendre visite au personnel scolaire du Collège Cambrian – l'autre collège de la ville.  Les professeurs, les conseillers et les bibliothécaires du Collège Cambrian sont représentés par la présidente Carolyn Gaunt et les délégués syndicaux de la section locale 655 du SEFPO. 

Carolyn Gaunt – l'illustre présidente de la section locale
 
Avec plus de 4 000 étudiants et étudiantes à temps plein, le Collège Cambrian est le plus grand collège du Nord de l'Ontario.  À l'origine, le Collège Cambrian avait des campus à Sudbury, à North Bay et à Sault Ste. Marie, mais dans les années 1970, les campus de North Bay et de Sault sont devenus des collèges de plein droit – le Collège Canadore et le Collège Sault.  En 1995, les programmes de langue française du Collège Cambrian ont été transférés au nouveau Collège Boréal.

Durant la réunion du CEL, les délégués syndicaux du Collège Cambrian ont discuté de toutes les pressions qui sont exercées sur le personnel scolaire au moment où les programmes sont passés au crible.  Comme dans la plupart des autres collèges, la baisse du nombre d'employés à temps plein constitue le plus important problème au Collège Cambrian.  La section locale 655 compte actuellement 182 membres à temps plein, environ 35 à charge partielle et plus de 200 à temps partiel.  Certes, le rapport entre le nombre d'employés à temps plein et à temps partiel est meilleur que dans de nombreux autres collèges, mais il y a de moins en moins d'employés à temps plein du fait qu'on ne remplace pas ceux et celles qui partent à la retraite.

Les conséquences des réductions budgétaires imposées par l'administration se font également sentir dans plusieurs autres domaines.  Les délégués syndicaux dans les programmes de métiers décrivent des classes où les étudiants travaillent à deux sur une machine conçue pour un seul étudiant.  En dehors de la question de santé et sécurité que soulève une telle situation, un délégué syndical a exprimé ses préoccupations quant à la qualité de l'apprentissage : « Les étudiants ne payent pas la moitié de leur éducation, alors pourquoi devraient-ils apprendre dans de telles conditions? »   Ils ont également souligné l'augmentation de l'effectif des classes et l'obligation de suivre des cours en ligne qui ont un impact négatif sur l'apprentissage.  Sans liberté académique, les professeurs, les conseillers et les bibliothécaires ont de plus en plus de mal à défendre les normes académiques.  Le membre du personnel scolaire qui ose se plaindre s'expose à des représailles sévères, y compris un licenciement. Les associations étudiantes des collèges ont tendance à ne pas se mêler de ces questions théoriques.  Au bout du compte, qui a vraiment le droit de défendre les étudiants?

À la fin de notre réunion, le personnel scolaire du Collège Cambrian s'est dit préoccupé par la direction dans laquelle est engagé l'enseignement collégial dans son ensemble.  Si on continue dans cette direction, ont-ils ajouté, on aura bientôt une grande partie du personnel scolaire qui travaillera à temps partiel, des classes qui seront en moyenne aussi surpeuplées que dans les universités, des cours qui seront majoritairement offerts en ligne et une armée d'administrateurs qui ne cessera de croître.  Pendant ce temps, les étudiants et les étudiantes continueront de payer des frais de scolarité encore plus élevés pour recevoir toujours moins en retour. 

Ce n'est qu'en prenant le contrôle de ces travaux académiques que le personnel scolaire pourra repousser le programme d'austérité de l'employeur et se focaliser sur la raison d'être de l'enseignement collégial – la relation entre les étudiants et le professeur dans la salle de classe.  Carolyn Gaunt a bien résumé les conséquences de ces changements pour nos étudiants, en posant une question toute simple : "Quand vous repensez à vos études au collège, vous souvenez-vous de vos professeurs préférés ou du vice-président aux finances du collège?"

En ce qui me concerne, je me souviens très bien ...

Tuesday, December 10, 2013

Transition au Collège Sheridan


À la fin du mois d'octobre, j'ai pris la direction du Collège Sheridan qui se trouve non loin de chez moi, à Hamilton.  Le Collège Sheridan, qui compte un peu plus de 17 000 étudiants à temps plein, est l'un des plus grands collèges communautaires de l'Ontario.  Le Collège est reconnu à l'échelle internationale pour l'excellence de ses programmes dans le domaine des médias et de l'animation – une réputation acquise grâce au travail acharné du personnel scolaire.  À l'occasion d'un déjeuner et d'une réunion du CEL, le président Jack Urowitz et les délégués syndicaux de la section locale 244, qui représentent le personnel scolaire du Collège Sheridan, m'ont parlé des problèmes auxquels ils sont confrontés pendant que leur collège se transforme en une université.

L'édifice Hazel McCallion du Collège Sheridan


























C'est le président du Collège, Jeff Zabutsky, qui a annoncé que le Collège Sheridan cherchait à obtenir le statut d'université en 2012. Il a mentionné comme raisons le fait que les étudiants demandent davantage de programmes menant à un diplôme et que les universités ne reconnaissent pas totalement les diplômes qui sont décernés actuellement par les collèges. Le gouvernement provincial a indiqué qu'il souhaite ouvrir trois autres universités en Ontario qui se consacreront essentiellement aux études de premier cycle. Le Collège Sheridan espère bien être du nombre.

La période de transition du Sheridan permet de mettre en exergue les préoccupations du personnel scolaire concernant la liberté académique et les normes d'éducation.  D'abord, le fait que les diplômes collégiaux du Sheridan n'aient pas la même valeur que les diplômes universitaires montre que le manque de liberté académique des professeurs des collèges a un impact direct sur la façon dont leur travail est perçu en dehors du système.  C'est rendre un mauvais service à l'éducation de classe mondiale que les professeurs du Collège Sheridan procurent déjà à leurs étudiants. Le personnel scolaire des collèges ne pourra pas obtenir la pleine reconnaissance de son travail tant qu'il ne bénéficiera pas du même niveau de liberté académique que les professeurs des universités.

Cette transition met également en exergue la division qui existe entre les connaissances théoriques et pratiques, mais aussi entre les titres de compétences universitaires et l'expérience en milieu de travail.  Les membres de la section locale 244 s'inquiètent que le modèle d'éducation collégial distinct qui intègre à la fois l'enseignement pratique et appliqué soit menacé par cette transition.  La crainte est qu'on marginalise les professeurs qui enseignent des programmes axés sur l'acquisition des compétences techniques ou ceux qui possèdent une vaste expérience de l'industrie par rapport à ceux qui ont une formation universitaire.  Le personnel scolaire fait valoir que la liberté académique – le droit des professeurs à enseigner librement selon leurs compétences et à critiquer l'institution – est aussi importante pour les professeurs qui enseignent des cours techniques que pour ceux qui enseignent des cours théoriques.

En fin de compte, la liberté académique touche à l'intégrité et à la qualité du processus éducatif. Notre société soutient son principe pour l'enseignement de sujets classiques comme la philosophie, les sciences sociales et les lettres et sciences humaines.  La liberté académique serait-elle moins importante pour les professeurs qui enseignent dans les programmes de techniques de maintenance d'aéronefs, des spécialistes des technologies de l'information ou de techniciens du génie électrique?  Les Canadiens sont-ils d'accord avec le fait que l'infirmière qui procure des soins à un parent malade ait suivi un programme d'études dont les normes académiques ont été élaborées par des professeurs attitrés à temps plein ou par des gestionnaires qui n'ont pas les qualifications requises et dont le mandat est d'offrir la formation la moins chère possible?

Selon son président, le Collège Sheridan accroît le nombre d'enseignants à temps plein, entérine la liberté académique, notamment en mettant en place un sénat, afin d'améliorer la qualité des diplômes décernés.  Les normes qui assurent la rigueur de l'enseignement universitaire sont louables et devraient également s'appliquer aux collèges de l'Ontario.


Thursday, December 5, 2013

La vie au Collège Lambton


Le Collège Lambton est situé dans ma ville natale de Sarnia et j'avais particulièrement hâte de visiter le collège et de rencontrer le personnel scolaire.  J'ai fait le voyage à la fin du mois d'octobre et j'ai passé une journée très enrichissante en compagnie de Baiba Butkus, présidente de la section locale, des dirigeantes et des membres de la section locale 125 du SEFPO.  

La présidente Baiba Butkus, à gauche, et 
les membres du CEL
 
Avec environ 2 700 étudiants à temps plein et 125 membres du personnel scolaire à temps plein, le Collège Lambton est l'un des plus petits collèges de l'Ontario.  À l'instar de la situation qui existe dans nombre d'autres établissements, le personnel scolaire à temps partiel est de plus en plus nombreux au Collège Lambton et le syndicat a dû soumettre des griefs pour préserver les niveaux de dotation du personnel à temps plein.

Les professeurs sont particulièrement préoccupés par la nouvelle manière de faire du Collège Lambton qui divise désormais l'enseignement théorique et pratique, qui était auparavant assuré par un seul et même professeur.  L'administration a adopté cette façon de faire pour des raisons évidentes de réduction des coûts, puisque les laboratoires, les studios ou les travaux pratiques sont confiés à des techniciens qui sont moins bien rémunérés.  Les professeurs, qui sont ensuite relégués à l'enseignement de cours théoriques, n'ont plus la possibilité d'évaluer le rendement global des étudiants.

Cette division de l'enseignement théorique et pratique touche le cœur même de la spécificité du système des collèges communautaires – une expérience d'apprentissage où la théorie et la pratique sont étroitement liées et qui permet aux étudiants d'apprendre directement auprès des experts du domaine d'études.  De plus en plus souvent, on demande aux professeurs d’évaluer des étudiants sans qu'ils puissent observer leurs aptitudes dans des situations concrètes.  Il n'est donc pas étonnant qu'ils remettent en question la pertinence des évaluations.

Le professeur de technologie  Khaled Nigim
 
D'autres changements sapent l'enseignement pratique et magistral au Collège Lambton, notamment le recours de plus en plus fréquent à l'enseignement de cours importants en ligne et l'augmentation de l'effectif des classes.  À l'image de tous les autres membres du personnel scolaire avec qui j'ai parlé, les professeurs du Collège Lambton m'ont fait part du nombre croissant de plaintes d’étudiants concernant l'apprentissage en ligne et de l'indifférence constante de l'administration à l'égard de leurs préoccupations.

En réalité, l'administration du Collège Lambton a adopté une vision de l'enseignement qui fait la part belle aux technologies et qu'on appellera ici l'« apprentissage mobile ».  L'idée étant de permettre aux étudiants d'utiliser fréquemment les appareils mobiles – téléphones intelligents et tablettes – dans tous les aspects de leur éducation.  On fait ainsi pression sur les professeurs afin qu'ils utilisent des iPads, sans se soucier de savoir si cette technologie est réellement utile pour le cours enseigné.  Bien sûr, avec l'«apprentissage mobile», le collège est tributaire d'entreprises avec qui il signe de lucratifs contrats pour le matériel informatique, les logiciels et les ressources numériques. 

Cette vision de l'«apprentissage mobile» du Collège entre dans le cadre du débat plus large sur l'utilisation des nouvelles technologies dans l'éducation d'aujourd'hui.  D'un côté, il y a ceux qui estiment que les nouvelles technologies constituent des outils extraordinaires pour améliorer l'apprentissage et la productivité et préparer les apprenants à intégrer le monde technologique d'aujourd'hui.  De l'autre, il y a ceux qui font entendre une voix discordante et qui pensent que les technologies ne sont pas forcément la panacée – que ces gadgets mobiles sont plus distrayants qu'utiles – et qu'on privilégie les bénéfices corporatifs au détriment de la pédagogie.

Comme je l'ai déjà écrit dans ce blogue, aucun professeur avec qui j'ai parlé n'était contre les technologies.  Zut, j'ai tapé ce carnet de blogue sur mon i-Pad et pris les photos avec mon téléphone intelligent.  Toutefois, je partage également l'opinion des professeurs qui s'inquiètent de l'intégration de chaque nouveau gadget technologique à l'éducation postsecondaire.  L'expérience des étudiants et du personnel scolaire révèle non seulement les limites, mais aussi les points forts de l'utilisation de la technologie dans l’enseignement.  Pour cette raison, il est crucial que ce soient les professeurs qui décident, en se fondant sur les recherches et l'expérience, de l’usage approprié et opportun de la technologie à la prestation d’un cours.

Tuesday, December 3, 2013

De passage au Collège St. Clair


Peu de temps après ma rencontre avec les membres de la section locale 350 du Collège Georgian, j'ai pris la direction de l'ouest pour me rendre à Windsor, en Ontario, afin de rencontrer le personnel scolaire du Collège St. Clair.  De taille moyenne, le Collège St. Clair compte quelque 8 600 étudiants à temps plein qui sont répartis sur trois campus : deux campus à Windsor et le troisième à Chatham.

Le personnel scolaire du Collège St. Clair est représenté par la section locale 138 du SEFPO.  J'ai rencontré Bernie Nawrocki, le président de la section locale, au campus de Windsor, puis participé à un repas de travail avec le Comité exécutif local plus tard dans la soirée.

Pendant la réunion, les dirigeants et délégués syndicaux de la section locale 138 m'ont parlé de l'accroissement de la charge de travail des professeurs. On ajoute de nouvelles tâches à leurs emplois du temps déjà très surchargés.  On demande fréquemment au personnel scolaire d'effectuer des tâches ayant trait à la révision des programmes, au recrutement, au marketing et aux travaux des comités – des tâches que le personnel doit accomplir bénévolement.  L'accumulation de ces tâches, qui s'ajoutent au travail quotidien des professeurs et aux nouvelles exigences de la gestion de l'apprentissage en ligne, soumet le personnel scolaire à toujours plus de stress.

Parce que le niveau de stress élevé contribue à aggraver les relations en milieu de travail, les dirigeants de la section locale 138 ont passé beaucoup de temps à s'occuper de la gestion des griefs concernant l'intimidation et le harcèlement.  Cette situation préoccupante, que j'ai déjà constatée dans plusieurs collèges et qui est le résultat de la décision du réseau collégial de délaisser l'éducation pour donner la priorité à la réduction des coûts, a désormais un impact significatif sur le personnel scolaire, les étudiants et le personnel de soutien.

Le personnel scolaire du Collège St. Clair, qui a souligné sa foi dans le caractère unique et l'importance du réseau collégial, a dit craindre que l'intégrité du système soit à présent menacée.  Alors qu'il y a de moins en moins de professeurs, de conseillers et de bibliothécaires à temps plein et que le personnel scolaire perd graduellement le contrôle des décisions académiques, nos membres se demandent, à juste titre, quel sera le résultat final...

Wednesday, November 27, 2013

Parler de l’éducation de qualité au Collège Georgian


À la mi-octobre, j'ai visité le campus du Collège Georgian à Barrie.  Les professeurs, les conseillers et les bibliothécaires sont représentés par l'équipe de la section locale 350, dirigée par Terry Heittola, président, Andrea Lovring, vice-présidente, Anita Arvast, déléguée syndicale, trésorière, Lydia Robertson, et Jason Murphy, agent des communications.  Le Collège Georgian compte environ 272 professeurs à temps plein, et ce nombre reflète le travail inlassable de la section locale pour défendre l’embauche du personnel à temps plein.  Toutefois, même avec le succès de la section locale, assurer un effectif suffisant est de plus en plus difficile au Collège Georgian, dans l’ensemble, environ 70 % des professeurs travaillent maintenant à temps partiel ou à charge partielle.



Terry Heittola
Terry et son équipe ont réussi à faire équilibrer la bonne relation de travail avec la représentation efficace des intérêts de leurs membres.  Cependant, malgré une relation fonctionnelle entre l’employeur et le syndicat, les professeurs du Collège Georgian éprouvent toujours les mêmes pressions qui affectent leurs collègues dans tout le système collégial.

L'apprentissage en ligne est actuellement appliqué par l'administration du Collège Georgian, ce qui conduit les professeurs à exprimer les mêmes préoccupations que leurs pairs au Collège Mohawk.  Les étudiants n'aiment pas être obligés de suivre les cours en ligne ou les cours « mixtes ».  Ils considèrent que ces cours de l’éducation de qualité inférieure et se plaignent auprès des professeurs qui sont obligés de les enseigner.  Comme dans de nombreux collèges, il est clair que l'enseignement en ligne au Collège Georgian est poussé au-delà de son champ naturel d'utilisation.  Utilisé correctement, l'apprentissage en ligne peut améliorer l'accès à l'éducation pour les étudiants qui ne peuvent pas se rendre au campus ou qui ont des horaires exigeant un haut degré de flexibilité.  Toutefois, quand il est utilisé comme une mesure de réduction de coûts d’application générale, cette situation présente des désavantages pour la plupart des étudiants.  En fin de compte, sans les professeurs qui déterminent comment cette méthode de l’enseignement doit être utilisée, la technologie d'accessibilité finit par avoir un effet néfaste.

La stratégie en ligne adoptée par la direction au Collège Georgian va également à l’encontre d’une poussée parallèle pour la rétention des étudiants.  Les collèges disent que l'utilisation des protocoles de « première alerte  » pour identifier les étudiants ayant besoin d'aide supplémentaire est de leur fournir une meilleure éducation.  Cependant, le collège augmente simultanément la taille des classes, met en ligne des cours pour aucune raison académique, et ne donne pas assez de temps aux professeurs pour donner de l'aide supplémentaire aux étudiants en difficulté, alors que les objectifs fixés par la direction et les résultats observés ne parviennent pas à s'accumuler.  Au contraire, la « rétention des étudiants » ressemble de plus en plus à une tentative cynique visant à maximiser les frais de scolarité, et non pas à améliorer l'accès à une éducation de qualité.

Les dirigeants de la section locale 350 se sont clairement engagés à leur travail, à l'éducation et aux étudiants.  A la fin de notre rencontre, Anita Avrast, déléguée syndicale, a déclaré de façon simple et claire : « L'éducation n'est pas une entreprise ».  Je suis tout à fait d’accord, et c'est pourquoi les professeurs devraient avoir la liberté académique dont ils ont besoin pour remettre la qualité de l’éducation et la réussite scolaire au système collégial de l’Ontario.

Tuesday, November 19, 2013

Que se passe-t-il au Collège Mohawk?

Je connais bien le Collège Mohawk, à Hamilton, puisque j'y enseigne en tant que professeur de sciences sociales.  Les professeurs, les conseillers et les bibliothécaires du Collège Mohawk sont représentés par les dirigeants et délégués syndicaux de la section locale 240 du SEFPO et son nouveau président, Geoff Ondercin-Bourne.   Le personnel scolaire du Collège Mohawk est chanceux d'être représenté par une équipe aussi solide, car l’administration du collège n'a rien fait pour faciliter les choses dernièrement.

Depuis que Rob MacIssac occupe le fauteuil de président du Collège Mohawk, il y a eu plusieurs changements.  On a entrepris la rénovation souhaitée du campus principal du Collège Mohawk, avenue Fennell, qui approche de la phase finale.  Si l'on ne peut que se réjouir de la modernité des nouvelles installations du Collège Mohawk, on se demande, en revanche, quelles seront les conséquences des autres changements qui ont touché le cœur même des activités des deux principaux groupes du collège, c'est-à-dire les étudiants et le personnel scolaire?

Geoff Ondercin Bourne en plein travail
La réponse est pour le moins mitigée.  En plus de doper ses scores aux indicateurs de rendement grâce à ses investissements dans l'infrastructure, le Collège Mohawk a lancé une stratégie d'apprentissage en ligne – de loin la plus autocratique et offensive de tout le système collégial de l'Ontario.  Malgré les objections des étudiants et du personnel scolaire à l'égard de cette stratégie, l’administration les a totalement ignorées jusqu’à ce jour.

Dans le cadre de son plan stratégique, le Collège Mohawk s'efforce de développer l'apprentissage en ligne depuis 2008.  Les années suivantes, les gestionnaires supérieurs ont fait instaurer des cibles à atteindre pour le nombre de cours devant être enseignés entièrement en ligne ou de manière hybride, c'est-à-dire les cours où un certain nombre d'heures de classe sont remplacées par des heures de cours en ligne.  Si les professeurs et les étudiants apprécient le potentiel de l'apprentissage en ligne dans certains cas, ils ont exprimé plusieurs préoccupations concernant la pertinence pédagogique de cette méthode pour enseigner certains cours et assurer la réussite scolaire.  En définitive, les professeurs ont fait valoir que la décision d'enseigner un cours en ligne devrait être prise en fonction des critères pédagogiques et par le personnel scolaire.

Ann Bennet, déléguée syndicale en chef
En raison des nombreuses préoccupations qui ont suivi l'attitude ferme et inflexible de l’administration à imposer l'apprentissage en ligne, le Comité d'action politique de la section locale 240 a mis en place, en 2011, des groupes de discussion pour les étudiants et le personnel scolaire afin de parler ouvertement de l'apprentissage en ligne.   En organisant également un sondage de grande envergure, la section locale a recueilli l’opinion d’un peu moins de 900 étudiants et publié un Rapport sur l'apprentissage en ligne (en anglais) contenant les résultats du sondage et les conclusions des groupes de discussion.  

Les groupes de discussion ont montré que le personnel scolaire a de sérieuses réserves quant à la qualité même de l'enseignement en ligne. Les conclusions du sondage et des groupes de discussion ont révélé que la majorité des étudiants préfère les cours magistraux (en classe) aux cours en ligne.  Les principales préoccupations concernent les barrières à l'accessibilité de l'apprentissage en ligne, comme la langue, le statut socio-économique ou une incapacité.  Le personnel scolaire avait déjà souligné ces préoccupations dans la documentation sur l'apprentissage en ligne.

Au lieu de tenir compte des conclusions du rapport de la section locale 240, l’administration du Collège Mohawk a doublé ses précédentes cibles du nombre de cours offerts en ligne en 2012 et décrété qu'on supprimerait une heure de classe de tous les cours magistraux offerts au collège afin de la remplacer par une heure de cours en ligne.  Cette décision, qui contredisait complètement les recommandations du Rapport sur l'apprentissage en ligne, montre que l’administration ne tient pas plus compte de la réussite scolaire des étudiants que de l'expertise du personnel scolaire quand elle prend ses décisions.  N'ayant pas la possibilité de contrôler la manière dont l'apprentissage en ligne est mis en œuvre ou de défendre les étudiants, le personnel scolaire du Collège Mohawk constate à quel point il manque de liberté académique.

J’aborderai à nouveau la question déterminante de l'apprentissage en ligne dans mon prochain carnet...


Tuesday, November 12, 2013

De passage au Collège Algonquin!


À l'occasion d'une belle journée d'octobre, j'ai voyagé jusqu'à Ottawa pour rencontrer les membres de l'autre collège de la ville : le Collège Algonquin.  Les professeurs, les conseillers et les bibliothécaires du collège Algonquin sont représentés par les dirigeants de la section locale 415 du SEFPO.  Avant de participer à une réunion du Comité exécutif local (CEL) avec les délégués syndicaux, j'ai rencontré le président de la section locale, Patrick Kennedy, le délégué syndical en chef, J. P. Lamarche, le premier vice-président, Jack Wilson, le deuxième vice-président, Dave Haley, et le trésorier, Shawn Pentecost.

JP Lamarche (à gauche) et Patrick Kennedy
  Le Collège Algonquin, qui compte plus de 19 000 étudiants à temps plein, est l'un des plus grands collèges de l'Ontario.  Le campus Woodroffe, à Ottawa, accueille la majorité des étudiants et on y enseigne la plupart des programmes d'études.  Le Collège Alconquin a également deux campus plus modestes, à Perth et Pembroke. Ayant une population étudiante importante, le Collège Algonquin a également un grand nombre de professeurs, dont 580 membres du personnel scolaire à temps plein.  À l'instar de la situation qu'on retrouve dans d'autres collèges, le Collège Algonquin a trois fois plus d'employés à temps partiel que d'employés à temps plein – c'est-à-dire plus de 1 600 professeurs à temps partiel et engagés pour une période limitée.

Au Collège Algonquin, le ratio entre les professeurs à temps partiel et à temps plein est accablant, mais il serait encore pire sans la pression constante de la section locale 415.  Grâce à des griefs du personnel, la section locale a été en mesure d'exiger l'embauche de professeurs à temps plein.  La convention collective du personnel scolaire stipule que le collège doit donner la préférence à la désignation de postes ordinaires à temps plein plutôt qu'à des postes à charge partielle.  À l'époque de la fondation du système collégial, on recrutait le personnel de cette manière, mais aujourd'hui les sections locales, à l'instar de la 415, doivent se battre au quotidien pour empêcher le nombre actuel de professeurs à temps plein de diminuer encore plus.  Il s'agit d'un exemple frappant qui montre qu'on ne recrute plus de nos jours les professeurs à temps partiel pour des raisons de flexibilité, mais pour des raisons stratégiques de réduction des coûts. Une stratégie qui exerce une énorme pression sur les membres du personnel scolaire à temps plein et qui compromet la qualité de l'éducation.

Les professeurs du Collège Algonquin subissent également des pressions de la direction afin d'élaborer davantage de cours en ligne et hybrides.  Derrière l'apprentissage en ligne se cache surtout une mesure de réduction des coûts, puisqu'on peut enseigner à des classes avec un large effectif et que les gestionnaires peuvent récupérer le contenu des cours, qui a été élaboré par les professeurs à temps plein pour le donner aux professeurs à temps partiel.  Il y a quelques années, un professeur du Collège Algonquin, qui enseignait dans le Programme de sciences infirmières et enregistrait ses cours sur ordre de la direction, s'est rendu compte que le contenu de ses cours avait été envoyé aux professeurs à temps partiel pour qu’ils s'en servent pour enseigner.

Ironiquement, les dirigeants de la section locale 415 ont souhaité préciser que la majorité des étudiants préfèrent les cours traditionnels et en classe à l'apprentissage en ligne.  Les étudiants du Collège Algonquin ont même fait part de leur opposition à l'apprentissage en ligne à leur association étudiante et à la direction, mais à ce jour leur résistance a eu peu d'impact sur les politiques du collège.

Ce mépris affiché de la direction du collège pour les préoccupations des étudiants et du personnel scolaire au sujet de l'apprentissage en ligne est un élément qui refera certainement surface lors de ma prochaine visite au Collège Mohawk de Hamilton...

Friday, November 1, 2013

Rencontre avec les membres du Collège Conestoga


Le 9 octobre, j’étais au campus de Kitchener du Collège Conestoga pour y rencontrer la présidente Lana Lee Hardacre et les membres de la section locale 237 du SEFPO. 
Lana Lee Hardacre
Le Collège Conestoga est un établissement de taille moyenne, qui compte quelque 9 000 étudiants à temps plein.  Créé en 1967, c'est en outre l'un des plus anciens établissements du système collégial de l'Ontario. Conestoga compte sept campus et offre une grande variété de programmes, y compris des programmes collaboratifs en soins infirmiers, ingénierie, architecture et technologie informatique.

À l'occasion de notre réunion, les dirigeants de la section locale 237 ont décrit une situation qui m'est désormais devenu familière – celle d'une direction qui met tout en œuvre pour restreindre les fonds de fonctionnement et réduire les coûts à tous les niveaux.  Cette pression financière se traduit par l'augmentation continuelle de l'effectif des classes dans les programmes d'apprentissage du collège.  Dans plusieurs programmes de formation dans les métiers spécialisés, où l'effectif des classes était auparavant plafonné à 24 étudiants, des classes accueillent aujourd'hui jusqu'à 42 étudiants.  Dans certaines classes d'usinage, où on avait dans le passé un maximum de 15 étudiants, il peut y avoir aujourd'hui jusqu'à 37 étudiants.

Certes, ces chiffres peuvent sembler faibles si on les compare à ceux des universités où des centaines d'étudiants s'entassent dans les amphithéâtres, sauf que les classes dans les métiers spécialisés impliquent une formation pratique intensive et l'utilisation de machines qui sont potentiellement dangereuses.  On avait instauré respectivement les plafonds de 24 et 15 étudiants pour deux raisons importantes : assurer la qualité de l'éducation et la sécurité des étudiants.  Aujourd'hui l'effectif des classes dépasse largement ces plafonds et les professeurs s'inquiètent des conséquences inéluctables.

Pour réduire les coûts, on remplace les professeurs dans les métiers spécialisés par des techniciens – une autre mesure qui nuit à la qualité de l'éducation.  Des classes de laboratoire, qui étaient auparavant enseignées par des professeurs, le sont aujourd'hui par des techniciens qui ne peuvent pas évaluer le travail des étudiants.  Cela se traduit par un décalage entre l'enseignement théorique et pratique – un autre sujet de préoccupation des professeurs en ce qui concerne la qualité de l'éducation qui est dispensée aux étudiants.

Les travailleurs spécialisés bâtissent et entretiennent nos infrastructures et stimulent l'économie de notre province.  Étant donné l'importance évidente de ce secteur, le public devrait s'inquiéter quand les professeurs sont obligés de prendre des raccourcis et de sacrifier tant la sécurité que la qualité parce qu'on rogne sur les coûts.  Comment peut-on lésiner sur les ressources dans les salles de classe alors que les salaires de la direction de Conestoga n'ont cessé de monter en flèche.  En 2012, John Tibbits, président du Collège Conestoga, a reçu un salaire de 409 000 $, après une généreuse augmentation de 16 % en 2011.  Manifestement, l'austérité ne frappe pas le bureau du président ...

Wednesday, October 23, 2013

La belle Cité

Le vendredi 4 octobre, j'ai pris le train en direction d'Ottawa, l'une de mes villes canadiennes préférées, afin de rencontrer le personnel scolaire de La Cité collégiale, le plus grand collège francophone de l'Ontario.  Après avoir déjeuné avec Benoit Dupuis, le président de la section locale 470 du SEFPO, j'ai rencontré les dirigeants et délégués syndicaux de la section locale. 

Benoit Dupuis
 
La Cité, qui a été créée en 1990, est relativement récente dans le système collégial de l'Ontario.  C'est un établissement de taille moyenne, qui compte quelque 5 000 étudiants à temps plein et 300 membres du personnel scolaire à temps plein.  La proportion de personnel scolaire à temps plein et à temps partiel est de 50-50, un peu au-dessous de la moyenne du système collégial, avec une tendance défavorable qui s'amplifie.

La Cité connait des bouleversements importants depuis l'arrivée du nouveau président du collège en 2010.  Depuis ce changement et l’instauration d’un style de gestion de plus en plus corporatif, les relations de travail sont chamboulées.  Pierre St.-Gelais, agent des griefs en chef, a souligné qu'entre avril 2011 et septembre 2013, le syndicat a déposé six fois plus de griefs qu'il en avait déposés au cours des quinze dernières années.

Pierre St.-Gelais
 
Un autre problème auquel sont confrontés les professeurs de La Cité concerne l'augmentation de l'effectif des classes.  Dans le passé, l'administration du collège fixait un plafond du nombre d'étudiants par classe à ne pas dépasser afin de préserver la « qualité de l'éducation ».  En supprimant les plafonds, on a négligé le fait que l'effectif des classes a une incidence sur la qualité de l'éducation.

Depuis que La Cité a changé ces priorités, délaissant la qualité de l'éducation au profit d'un modèle corporatif, les indicateurs de rendement de La Cité sont en hausse.  Les indicateurs de rendement sont les résultats des sondages sur la satisfaction des étudiants qui sont effectués à travers un système collégial où la concurrence pour attirer les étudiants est de plus en plus rude.

La priorité qui est accordée aux indicateurs de rendement reflète que l'éducation des collèges est fondée sur le service à la clientèle – c'est-à-dire qu'attirer des étudiants et les garder à tout prix dans le système est devenu plus important que d'instaurer un  apprentissage basé sur une formation rigoureuse et des normes académiques d'excellence.  Les bons scores aux indicateurs de rendement et la hausse des inscriptions se traduisent peut-être par de généreux bonus pour les membres de la direction, mais les dirigeants de la section locale 470 soulignent que les employeurs, qui font partie des comités des relations avec l’industrie, ont exprimé des préoccupations.  Le fait que les diplômés des collèges soient moins bien préparés pour entrer sur le marché du travail ne serait-il pas les conséquences de l'augmentation de l'effectif des classes, de la baisse du nombre de professeurs à temps plein et de la diminution des cours magistraux?